Insulaires
Galerie Trois Points
8 juillet - 26 août 2017
Montréal, on l’oublie trop souvent, est d’abord une île, territoire nourri de l’extérieur. Choisissant de s’attarder à ce statut particulier alors que la ville s’anime de festivités célébrant son 375e anniversaire, l’exposition estivale de la Galerie Trois Points explore le lien profond de cette ville avec le monde à travers le commerce maritime. Dans le cadre de l’exposition Insulaires, trois jeunes artistes montréalais jettent un regard neuf sur la question de l’afflux de marchandise et la façon dont notre réalité est modelée par cette circulation de biens de consommation.
C’est ainsi que leurs regards se tournent d’abord vers le port, lieu de passage principal entre la ville et le reste du monde. Dans cette plaque tournante de notre économie, depuis près de quatre siècles, transitent chaque jour plusieurs milliers de tonnes de marchandises, perpétuel afflux de biens produits partout dans le monde. Par une approche à la fois documentaire et subjective, les trois artistes tentent de cerner comment ce contact constant avec l’ailleurs qui modifie le paysage de l’île et influence le regard que les Montréalais portent sur les différents enjeux de la mondialisation.
Les trois artistes s’attardent sur le parcours de ces objets de consommation, sur leur voyage comme sur la fin de leur vie utile. Le contraste entre le poids politique et social du sujet et l’esthétique épurée et soignée des œuvres choisies leur permet de mettre en lumière le malaise persistant face à ces enjeux.
Chris Boyne recrée à travers de délicates sculptures de bois certains paquebots qui complètent régulièrement le trajet entre Montréal et Halifax, sa ville natale. L’ensemble regroupé autour de la série Palermo reflète la réalité de l’artiste qui existe simultanément en deux villes, deux espaces. Les petits « objets-bateaux » que sculpte Boyne se conçoivent comme autant de façons de recréer une expérience, tentatives ultimement vouées à l’échec considérant l’impossibilité de les rendre dans leur entièreté. L’esthétique minimaliste des sculptures sont le reflet de la mémoire imparfaite de l’artiste alors qu’il réduit les paquebots à des formes, des couleurs ou certaines caractéristiques spécifiques. Ainsi, le travail de Boyne sous-tend une narration ouverte, changeante, permettant au spectateur de s’y insérer à travers une réflexion personnelle et peut-être une certaine nostalgie.
De son côté, Laurent Lévesque tourne résolument son regard vers la mer. A l’occasion d’une résidence sur un cargo en haute mer, il a braqué sa caméra vidéo sur l’océan, vu de la fenêtre d’Adam, officier de la marine marchande. Projeté sur un écran qui reproduit les dimensions de la fenêtre à travers laquelle l’œuvre a été captée, la vidéo de Lévesque souligne l’immensité d’un paysage mouvant dénué de toute présence terrestre, ne laissant place qu’au ciel et à la mer. Son long plan séquence rappelle les énormes distances parcourues en mer par des millions de produits avant de qu’ils ne se retrouvent sur les tablettes des commerces et ultimement dans nos maisons.
Enfin, l’artiste peintre Isabelle Guimond propose une sélection de dessins numériques et d’œuvres sur toile documentant les entrepôts et commerces des quartiers qui bordent le Saint-Laurent : Hochelaga-Maisonneuve, Griffintown et le Vieux-Montréal. Produites à partir de photographies prises lors de fréquents parcours dans le quartier, ces œuvres récentes de Guimond illustrent les problématiques de l’accès aux berges, de la pollution et de la gentrification qu’entraine la surconsommation. Fortes d’une dimension politique et sociale, les œuvres de format carré ont d’abord été conçues pour une diffusion sur le web et créées à l’aide d’une tablette graphique – provenant très probablement de l’un des nombreux conteneurs qui composent certains de ses paysages urbains.